Apprendre à marcher sur l’Autoroute

Petit dialogue avec un collègue :
« OK ?, je les amène demain au CDI? Pour une recherche sur Maupassant, sa vie… L’idée ce serait qu’ils trouvent des informations qui sortent un peu du banal.
– Des ragots, des trucs confidentiels,… ?
– Oui, c’est ça. Enfin des trucs raisonnables, ils ne sont qu’en seconde, quand même. C’était bien ces logiciels qui permettaient d’enregistrer certains sites sur les disques durs. On pouvait limiter la recherche à une poignée de sites bien repérés. Ils perdaient moins de temps à chercher et puis, quand même, ça limitait les risques.
– mmm, ça peut encore se trouver… Mais, bon, c’est pas la vraie vie, … côté recherche sur internet…
– D’accord, mais tu n’apprends pas à ton gamin à marcher en le mettant sur l’autoroute !
– …  »

Le collègue qui tient ces propos pleins de sagacité est un jeune collègue pour lequel j’ai sincèrement beaucoup d’estime, et si, par un étonnant hasard, il lit ces lignes j’espère qu’il comprendra qu’il n’y a pas moquerie de ma part. Mais, tout de même, ce genre d’aphorisme, ça inspire forcément des réflexions, non ?
D’abord saluons la permanence de la métaphore. Autoroute évoquera aux plus anciens parmi nous les célèbres « autoroutes de l’information ». Ce terme a eu son heure de gloire il y a quelques années, il est maintenant tombé en désuétude. A-t-il marqué les esprits plus qu’on ne le croyait ou sommes-nous face à un archétype ?
Quoiqu’il en soit, il resurgit là, non plus pour symboliser le flux de données mais pour stigmatiser les dangers du web sauvage. Toutes ces informations lancées à pleine vitesse sont un réel danger pour les jeunes. Certaines sont intrinsèquement dangereuses : sexe, violence, haine,…. Mais, en fin de compte, sur l’autoroute, tous les véhicules sont dangereux. S’impose l’image d’un enfant innocent désemparé face à la surabondance du flux. Le petit qui titube vers ces phares qui l’éblouissent, odeur d’essence brulée et de pneus… Le pédagogue se doit d’intervenir et de protéger cette jeune intelligence en pleine efflorescence des périls qui la guettent.
A l’opposé, on voudrait voir le gamin, quittant l’abri maternel pour marcher à pas d’abord hésitants, puis plus affirmés vers les bras de son père (Vous pouvez, bien sûr, inverser les positions, mais dans les pubs à la télé ça fonctionne toujours dans ce sens là). Le petit piétine l’herbe qui amortira la chute éventuelle et le ciel est bleu. L’apprendre-à-marcher-bio en quelque sorte.
Evidemment les adolescents que vous avez en classe, ça fait déjà longtemps qu’ils circulent sur l’autoroute et s’il y a eu des victimes, leur nombre n’excède pas, et de loin, celui des enfants accidentés sur la route, la vraie. Alors, à mon sens, si le pédagogue, à cet endroit, a un rôle à jouer c’est bien de leur montrer comment aller quelque part et le plus vite possible sans prendre de risques inutiles. C’est cela dont ils ont le plus besoin. Refusons la politique de l’autruche que dénonce ici Sabine Blanc.
Qu’en pensez-vous ?