Qu’est-ce qui ne va pas dans le fait que Google donne instantanément la réponse à ma question?

La rapidité avec laquelle nos questions obtiennent des réponses sur internet est trompeuse. Cependant nos élèves s’appuient sur ce sentiment pour travailler moins. La question est alors de savoir si c’est Google qui les rend idiots ou l’école qui oublie de s’appuyer sur les « nouvelles » technologies pour les rendre intelligents?

Situation initiale : une série d’exposés pour des 4e de collège sur les explorateurs. Au cours d’un exposé un élève défend l’idée que Jacques Cartier est parti vers l’Amérique pour écouler la production de montres de l’usine paternelle.
Ne cherchez pas trop loin l’erreur, il a googlisé la question et a découvert le remarquable site Explorer . Réponse trouvée, copiée, collée et attendez vous à batailler ferme pour l’en faire démordre.

Critique classique : le web fournit à nos élèves des réponses instantanées qu’il ne prennent pas le temps d’analyser et de critiquer. Est-ce la rapidité de la réponse qui inhibe leur sens critique? Au temps jadis la recherche prenait plus de temps, l’esprit critique était-il pour autant plus développé? Une conversation au comptoir du café du commerce avec des gens qui n’ont pas connu les TICE à l’école montre vite que même si c’est le cas il n’en reste pas grand chose.

L’obtention immédiate de l’information augmente le rôle des faits, des données et des documents. L’illustration du cours peut être préparée, elle peut aussi, si le propos s’éloigne du chemin initialement prévu, être improvisée. On peut aisément s’arrêter au milieu de la leçon pour aller obtenir confirmation sur le Net, on peut aussi, émettre des hypothèses et en contrôler la validité. L’enseignant qui le souhaite peut redonner droit de cité à la curiosité dans sa classe.

C’est aussi l’occasion de mettre en évidence les mécanismes de l’esprit critique, d’aller contrôler les sources, de voir si les informations se contredisent ou se recoupent, etc. La où une comparaison entre sources écrites risquait d’occuper au moins un cours entier, le web ne vous demandera qu’une grosse vingtaine de minutes.

L’instantanéité de la réponse peut aussi procurer l’impression que l’apprentissage n’est plus nécessaire. Quel besoin de mémoriser le savoir puisque internet sait tout et que Google me fournit l’information dans l’instant, quel besoin ai-je d’apprendre? Là encore il y a la possibilité de montrer que sans connaissances préalables il n’est pas possible d’interroger le réseau. Il en faut un minimum pour pouvoir conquérir son autonomie de web-surfeur. C’est ainsi l’occasion de montrer aux élèves comment ils peuvent augmenter d’eux-mêmes leurs connaissances.

Notre problème reste que nous soumettons nos élèves à des défis qui n’en sont plus. Les questions que nous leur posons ne relèvent encore trop souvent que de la mémorisation, et si on leur demande une recherche documentaire la Wikipedia seule peut, en général, suffire. Il est temps de penser à des questions complexes (ce qui n’est synonyme ni de compliquées, ni de difficiles) qui non seulement les obligent à composer des informations différentes mais aussi à faire des liens et surtout qui donne l’impression d’avoir acquis, conquis un savoir nouveau en autonomie.

L’objectif pédagogique est-il nouveau? Stimuler l’ntelligence et la réflexion, nourrir et encourager la curiosité, mettre en place les conditions d’un apprentissage autonome qui devra durer une vie entière en s’adaptant aux mutations des technologies du savoir? Il ne devrait pas vraiment l’être pourtant on voit bien qu’il faudra laisser de plus en plus de place à l’intelligence ce que, en fait et fondamentalement, l’enseignement a jusque là négligé.

Qu’en pensez-vous?

Web 2.0 + éducation = éducation 2.0 ?

Le web 2.0 est une pratique que soutiennent des technologies, par sa nature cependant elle se prête mieux à certaines démarches pédagogiques. Comme dans le cas des TICE c’est l’intention pédagogique qui est essentielle. Le moment est peut-être venu d’utiliser le web 2.0 pour un enseignement centré sur l’élève.

Le web 2.0 fait l’objet de beaucoup d’attention ces temps-ci. Le Café pédagogique lui a consacré il y a peu de temps un dossier très bien documenté, dossier qui s’ouvre sur un sondage instructif à plus d’un titre. On y voit que les outils préférés des enseignants sont la liste de diffusion et le blog, qui ne sont pas forcément ceux qui recueillent les suffrages de leurs élèves.

Autre perspective : le relativement faible nombre de participants (443). A considérer la typologie des lecteurs du Café on est forcé d’admettre que c’est peu. Aussi lire que 55% utilisent Facebook et 17% Twitter pour leur usage personnel donne des valeurs absolues modestes : respectivement 244 et 75. Le web 2.0 se développe chez les enseignants, certes, mais on est encore loin du raz-de-marée. Lire la suite

Papier vs écran

L’imperfection des outils électroniques peut faire hésiter au moment de les introduire comme supports pédagogiques. Jusqu’à quel point ne peut pas voir là une ignorance de ce sur quoi repose l’école : former des jeunes pour en faire des adultes acteurs de la société?

Aujourd’hui Amazon.com vend plus de livres électroniques pour son Kindle que d’ouvrages sur support papier. Apple à vendu 3 millions d’iPads en 80 jours. Samsung a sorti une tablette concurrente de l’iPad et ce n’est que la première de ce qui promet d’être une longue série. Wired suggère que smartphones et tablettes vont, par le biais de la généralisation des apps, tuer le Web tel que nous le connaissons,… Les ebooks n’avaient pas vraiment réussi à faire décoller la lecture sur écran, les tablettes ont plus de succès et accélère le passage de la lecture sur papier à la lecture sur écran. Comme l’écrit Margaret Wente dans The Globe and Mail : « Like it or not , the book is dead« .

Le sujet a déjà fait l’objet de nombreux commentaires et de, non moins nombreuses, analyses. L’article de Stéphane Foucart que Tremeur commentait hier ici pointe un aspect intéressant de la rivalité entre les deux supports. Hélas, à mon sens, il le fait mal.

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L’école est finie (3)

Nous avons, dans les deux précédents articles de cette série (ici et ) exposé combien nous semblait urgent un changement paradigmatique en terme d’éducation, ce qui nous a mené à esquisser des pistes pour y parvenir. Le moment est venu d’aborder la question importante de la formation de ceux qui seront les acteurs majeurs d’une éducation repensée.

J’ai coutume de dire que si on veut réduire une école à sa plus simple expression, à sa substantifique moelle, il vous reste un groupe de personnes désireuses d’apprendre, et un formateur prêt à les aider à y parvenir. C’est vieux comme le monde. Par conséquent, cela suppose que l’école peut en théorie s’affranchir de bien de ses contraintes actuelles, de ses enveloppes, barrières, personnels, instructions et programmes. Un pré devrait pouvoir faire l’affaire, et les personnes susdites (comptez toutefois sur un réseau Wifi parmi les pâquerettes…).

Au-delà de la provocation, cette métaphore permet de recentrer le débat. Apprendre, c’est l’affaire d’une rencontre. Entre des apprenants, d’abord, ce qu’il convient de rappeler ou simplement de dire. Mais aussi entre ceux-ci et un formateur. Ce n’est pas à priori l’affaire exclusive de l’école, ou d’une institution particulière. Ce n’est pas plus durant une étape donnée de la vie, mais au long de cette dernière, que le processus est actif. Il convient de ne réduire la chose ni à un lieu, ni à un moment. L’essentiel réside donc dans les individus et leur capacité à échanger, voilà pourquoi s’intéresser aux qualités du formateur importe.

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Affermer la formation

Les réseaux d’échange de savoirs préfigurent-ils un nouveau modèle économique où l’enseignant devient travailleur indépendant?

Quelque soit le domaine il est très probable que vous disposez d’une connaissance, voire d’une expertise, susceptible d’intéresser quelqu’un. Curiosité ou besoin,  culturel ou utilitaire il existe en matière de savoirs une offre et une demande, donc un marché. Internet peut ici parfaitement  jouer le rôle de place du marché. C’est à ce potentiel que s’intéressent les étudiants de Science-Po sur cette page.

Une fois l’idée en route on s’aperçoit qu’il est possible de la décliner de multiples manières. Un premier champ d’action est celui de l’échange gratuit d’information. C’est probablement le plus en accord avec l’esprit Web 2.0 et l’économie de la gratuité. Une des dimensions où cette activité peut se déployer est de toute évidence la coopération Nord-Sud. Ceux qui ont eu la possibilité d’acquérir un savoir consistant dans les meilleures écoles ou université peuvent en faire bénéficier ceux qui pour des raisons économiques, sociales ou politiques en ont été privés. C’est ce que propose la fondation Partager le Savoir. Cette dimension solidaire ne saurait se réduire à des échanges internationaux.  Les possibilités ouvertes par une mutualisation des connaissances pour réduire les inégalités sont considérables.

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Former les nouveaux enseignants à l’aide de la vidéo

La politique d’absence de formation des enseignants pose des problèmes de plus en plus visibles. Le Ministère de l’Education nationale tente une réponse par le biais d’une formation à distance  appuyée par des vidéos réalisées par l’INRP.

Les Cahiers pédagogiques s’entretiennent avec les créateurs d’un nouveau site de l’INRP neopass@action qui offre aux enseignants débutants des conseils pour exercer leur  métier. Les concepteurs du site prennent un considérable luxe de précautions pour assurer qu’il ne saurait remplacer une authentique formation. Le terrain étant miné, on les comprend. Cela dit cette initiative inaugure-t-elle une nouvelle ère dans la formation des enseignants ?
Bien sûr cette solution n’est pas satisfaisante dans le cas de la formation des professeurs. Le dialogue avec le formateur, la ressource d’exposer un vécu pour obtenir analyses et recommandations, la possibilité de questionner,… sont autant d’atouts qui manquent aux vidéos de l’INRP.
Cependant, grâce à elle, un enseignant, débutant ou non, pourra prendre connaissance de témoignages ou de réflexions qui, sans cela, lui seraient inaccessibles.
Autre aspect très positif : le conseil que les auteurs du site donnent aux jeunes enseignants de mutualiser leurs expériences, d’échanger autour de ces vidéos :

Mais ce n’est là qu’un chainon intermédiaire, car il est absolument nécessaire que les utilisateurs les contextualisent, les mettent à l’épreuve, seuls et, selon nous de manière plus féconde, à plusieurs, entre pairs, entre pairs et confirmés, avec des chercheurs…

Evidemment on retrouve ici ou là quelques uns des scrupules qui rendirent certains cours d’IUFM parfaitement insuportables :
C’est pourquoi nous avons proposé ce triple regard, qui ne donne jamais l’interprétation unique de la situation, mais qui, parce qu’il se veut réflexif, ouvre des angles d’attaque en prise avec les diverses préoccupations des jeunes praticiens. Un des risques de ce genre de matériau est l’identification immédiate qu’il facilite chez de jeunes praticiens découvrant, dans la réassurance ou dans l’inquiétude, des images qui mettent en scène des aspects saillants du métier.

Un enseignant qui se trouvera demain matin confronté à une classe plus ou moins difficile n’a pas vraiment besoin de réfléchir aux situations d’enseignement, il a besoin de conseils clairs, pratiques et à usage immédiat afin, dans un premier temps, de survivre. Ensuite, il adaptera les conseils donnés à sa situation, à ses aptitudes personnelles et là un certain appui théorique lui fera le plus grand bien.
Cela dit ce site me semble excellent. Vous trouverez, ci-dessous, l’article des Cahiers pédagogiques.

PS : une remarque amusée au passage. Dans une vidéo de la page d’accueil du site de l’INRP, Patrick Rayou, professeur à Paris 8, interrogé sur les changements intervenus dans le métier d’enseignant dit que la société a changé, l’école a changée et les rapports entre elles aussi. Cette analyse est incontestable, sauf, me semble-t-il, sur un point : le temps. C’est au présent que cette phrase doit être pensée, l’école et la société changent en ce moment même et à une vitesse jamais égalée. Sauf que, peut-être, elles n’évoluent pas au même rythme ?

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